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Lisa Gerrard, chanteuse de Dead Can Dance, nous promet de beaux voyages musicaux hors du temps avec son nouvel album Ăcrit avec le percussionniste Pieter Bourke. Ni prĂtresse, ni sibylle, elle fait le point avec nous sur son parcours mystĂrieux, chaotique et toujours brillant. Vers une certaine forme de sĂrĂnitĂ. Lisa Gerrard est croyant et cela sĂentend. Depuis 15 ans, sa voix puissante, ensorceleuse et troublante hante tous ceux pour qui la musique ne se rĂsume pas seulement ⥠deux riffs et un enchaĂnement couplet/refrain. Elle s'explique: ÂŽJe crois vraiment au pouvoir de la musique. Il n'y a pas si longtemps, elle avait le pouvoir de guĂrir, de bercer; de rendre heureux, de cĂlĂbrer. Ce n'est Plus le cas aujourd'hui, ou si rarement. Je pense aussi ⥠son pouvoir purement spirituel: je suis croyante et chacune de mes expĂriences musicales me ramĂne ⥠l'essentiel: la musique est un don divin, j'en suis persuadĂe. Travailler avec une autre personne, que ce soit Brendan de Dead Can Dance ou Pieter pour ce nouveau disque crĂe une complicitĂ trĂs spĂciale, une dualitĂ, une communion d'esprit. ÂȘ Miracles La dĂcouverte du pouvoir de la musique est venue, pour Lisa Gerrard, comme une rĂvĂlation: ÂŽ Je jouais, seule dans un club en Australie, une sorte de musique vocale d'avant-garde. j'ai toujours aimĂ chanter; et je n'avais pas peur de le faire en public, mĂme si ⥠cette Ăpoque (vers 1979), il n'y avait que mes amis et des proches pour venir n'Ăcouter! Un jour,je partageais l'affiche avec un groupe rock underground, le premier groupe punk nĂo-zĂlandais. Nous avons sympathisĂ, et je les ai logĂs car ils ne savaient o? aller aprĂs le concert Brendan Perry, le guitariste, avait apprĂciĂ ma musique et nous avons tentĂ d'Ăcrire un morceau ensemble. Nous sommes allĂs dans un endroit un peu perdu dans la nature, et sans aucune rĂpĂtition, nous avons improvisĂ un morceau, Frontier (que l'on peut d'ailleurs entendre dans la compilation du label 4 AD Lonely is an Eyesore). Quelque chose de trĂs intense venait de se passer pour nous deux. Alors, logiquement, nous avons poursuivi notre collaboration, sans idĂes prĂcises quant ⥠l'avenir. }} Le duo, qui se nomme dĂsormais Dead Can Dance, comprend vite qu'il n'a aucune chance de percer en Australie et dĂcide donc de franchir les ocĂans pour tenter sa chance ⥠Londres. Les premiers temps sont trĂs difficiles. ÂŽ Nous n'avions absolument aucun argent Nous vivions dans une tour sordide et n'avions qu'un vĂlo comme unique vĂhicule. La moindre livre Ătait rĂinvestie dans la musique. Heureusement, nous gardions espoir et nous consacrions corps et âme ⥠notre musique. Ivo, du label 4AD, avait apprĂciĂ l'un de nos concerts et faisait office de manager et de conseil pour Dead Can Dance. Il nous recommanda de donner d'autres concerts, de faire une tournĂe, mais personne ne voulait de nous! Finalement, nous nous sommes retrouvĂs ⥠Paris, avec deux musiciens franĂais, et nous avons jouĂ. Un bon souvenir; mĂme si, ⥠cette Ăpoque, nous Ătions tellement frustrĂs et aigris par notre situation matĂrielle et artistique qu'une certaine rage devait se sentir dans notre musique.ÂȘ DCD DĂfinitivement convaincu par les pouvoirs surnaturels de ses protĂgĂs, Ivo dĂcide enfin, en 1984, de publier sur 4AD le premier album du groupe, DCD : ÂŽ Ce fut ⥠nouveau trĂs frustrant Nous pouvions enfin enregistrer; mais le rĂsultat Ătait bien loin de combler nos espĂrances. Un producteur pourtant rĂputĂ (John Fryer) Ătait censĂ nous aider, mais il ne parvenait pas ⥠comprendre ce que nous voulions.ÂȘ Les choses se compliquent aprĂs la sortie de l'album: ÂŽ Nous ne supportions Plus de nous voir traitĂs de groupe rock ou punk. Nous n'avions rien ⥠voir avec Ăa. La scĂne musicale pop est tellement rĂductrice! Nous ne voulions pas devenir un groupe ⥠mode de plus et terminer l'expĂrience deux ans aprĂs. A ce moment-lâĄ,j'ai donnà ⥠Ivo deux morceaux de ma composition pour son projet This Mortail Coil : un bon moyen de m'affirmer un peu plus. ÂȘ Les deux albums suivants de Dead Can Dance sont des chefs-d'Ășuvre noirs o? le groupe trouve ses marques et ouvre de nouvelles voies: ÂŽ Pour Spleen & Ideal, Brendan avait une idĂe trĂs prĂcise du son qu'il voulait pour le groupe. Nous voulions sortir dĂfinitivement de l'instrumentation guitare/basse/batterie. Dans Within the real of a dying sun, l'aboutissement de cette pĂriode, nous avons utilisĂ des musiciens classiques. ÂȘ DualitĂ ÂŽ j'Ătais stupĂfaite du rĂsultat et des recherches de Brendan. Je pense qu'il est vraiment un trĂs grand compositeur; et qu'il est loin d'avoir dit tout ce qu'il a ⥠dire. Il reste aujourd'hui ma plus grande influence. Travailler avec lui dans Dead Can Dance est une expĂrience stimulante mais parfois difficile. A chaque album, nous pensions arrĂter; mais il n'en a rien ĂtĂ. Nous travaillons avec une intimitĂ que j'ai du mal expliquer; mais qui fait certainement la force de notre collaboration. j'ai parfois du mal ⥠imposer mes vues, mes idĂes, mes morceaux au sein de Dead Can Dance, Brendan souhaite toujours avoir le dernier mot... ÂȘ AprĂs Within the real of a dying sun (1987), Dead Can Dance dĂbute une nouvelle Ăre avec l'album The Serpent's Egg. Lisa: ÂŽ Brendan a dĂmĂnagĂ en Irlande o? il a montĂ un studio dans une Ăglise (Quivy Church); nous avons commencà ⥠enregistrer lâĄ-bas. Aion fut le premier album ⥠Ătre imprĂgnĂ de cette atmosphĂre. ÂȘ Aion, trĂs influencĂ par la musique mĂdiĂvale, ne parvient pas ⥠retrouver le gĂnie du groupe dans toute sa dimension; Lisa et Brendan sĂparĂs. quelque chose s'est perdu. Les albums suivants de Dead Can Dance, Into The Labyrinth (1993) et Toward the within (un live de 1995) le confirment: en voulant faire une synthĂse de ses influences, le groupe perd son originalitĂ. Retour en grâce Deux albums vont retrouver cette grâce et ce mystĂre qui enveloppent depuis le dĂbut la musique du duo: le premier disque solo de Lisa. The Mirror Pool, o? elle renoue avec les sonoritĂs Ătranges et envo?tantes des arrangements et o? sa voix semble enfin libĂrĂe de toute contrainte. Un disque riche, variĂ, qui rappelle aux vieux fans la magie glacĂes de Spleen & Ideal. Une nouvelle sĂrĂnitĂ caractĂrise aussi ce disque. sentiment que l'on retrouve dans Spirit Chaser, le dernier album en datĂ de Dead Can Dance. D'une grande unitĂ, celui-ci mĂle avec bonheur les orientations folk et tribales du duo. ÂŽ Je ne peux pas dire que nous sommes directement influencĂs par telle ou telle musique du monde, mais j'aime en Ăcouter. Ce que j'aime dans la vie, c'est la capacitĂ que nous Ge parle de l'Ătre humain au sens large) avons ⥠crĂer et ⥠partager. MĂme si cela peut sembler banal, c'est un sentiment trĂs fort, intense. L'annĂe que je viens de passer avec Pieter pour rĂaliser Duality en est un nouvel exemple.ÂȘ Interview : Bertrand Dermoncourt et David Sanson Magazine Start Up n?31 ñ Avril 98 Duality 4AD/Labels Pour son second disque en solo, Lisa Gerrard s'est associĂe au percussionniste bidouilleur Pieter Bourke. Dans son trĂs beau premier album, The Mirror Pool, la chanteuse redĂcouvrait les contrĂes orchestrales obscures de l'Ăpoque de Within the real of a dying sun. Aujourd'hui, la page est tournĂe. Dead Can Dance est relancĂ sur de bons rails et Lisa redĂcouvre la simplicitĂ. On retrouve dans Duality les sons qui ont fait la marque de fabrique du groupe australien, et grâce ⥠Pieter Bourke (membre par ailleurs de Soma et musicien ÂŽ live ÂȘ pour Dead Can Dance) la belle s'est ouverte ⥠son Ăpoque et ⥠l'Ălectronique. Duality n'en reste pas moins, comme tous les bons disque de la dame, une Ășuvre hors du temps et des modes. MĂme si, cette fois, certaines mĂlodies paraissent particuliĂrement accrocheuses, l'Ăcoute rĂpĂtĂe est souhaitable pour en dĂcouvrir toutes les richesses. Un album de Dead Can Dance est par ailleurs prĂvu pour l'an prochain. |