Articles de presse Lisa Gerrard » 1998
 
Lisa Gerrard And Pieter Bourke » Duality Interview
Lisa Gerrard - Start Up n? 31
 
Lisa Gerrard, chanteuse de Dead Can Dance, nous promet de beaux voyages musicaux hors du temps avec son nouvel album Ècrit avec le percussionniste Pieter Bourke. Ni prÍtresse, ni sibylle, elle fait le point avec nous sur son parcours mystÈrieux, chaotique et toujours brillant. Vers une certaine forme de sÈrÈnitÈ.

Lisa Gerrard est croyant et cela sĂ­entend. Depuis 15 ans, sa voix puissante, ensorceleuse et troublante hante tous ceux pour qui la musique ne se rÈsume pas seulement ‡ deux riffs et un enchaÓnement couplet/refrain. Elle s'explique: ÂŽJe crois vraiment au pouvoir de la musique. Il n'y a pas si longtemps, elle avait le pouvoir de guÈrir, de bercer; de rendre heureux, de cÈlÈbrer. Ce n'est Plus le cas aujourd'hui, ou si rarement. Je pense aussi ‡ son pouvoir purement spirituel: je suis croyante et chacune de mes expÈriences musicales me ramËne ‡ l'essentiel: la musique est un don divin, j'en suis persuadÈe. Travailler avec une autre personne, que ce soit Brendan de Dead Can Dance ou Pieter pour ce nouveau disque crÈe une complicitÈ trËs spÈciale, une dualitÈ, une communion d'esprit. ÂȘ
Miracles

La dÈcouverte du pouvoir de la musique est venue, pour Lisa Gerrard, comme une rÈvÈlation: ® Je jouais, seule dans un club en Australie, une sorte de musique vocale d'avant-garde. j'ai toujours aimÈ chanter; et je n'avais pas peur de le faire en public, mÍme si ‡ cette Èpoque (vers 1979), il n'y avait que mes amis et des proches pour venir n'Ècouter! Un jour,je partageais l'affiche avec un groupe rock underground, le premier groupe punk nÈo-zÈlandais. Nous avons sympathisÈ, et je les ai logÈs car ils ne savaient o? aller aprËs le concert Brendan Perry, le guitariste, avait apprÈciÈ ma musique et nous avons tentÈ d'Ècrire un morceau ensemble. Nous sommes allÈs dans un endroit un peu perdu dans la nature, et sans aucune rÈpÈtition, nous avons improvisÈ un morceau, Frontier (que l'on peut d'ailleurs entendre dans la compilation du label 4 AD Lonely is an Eyesore). Quelque chose de trËs intense venait de se passer pour nous deux. Alors, logiquement, nous avons poursuivi notre collaboration, sans idÈes prÈcises quant ‡ l'avenir. }}
Le duo, qui se nomme dÈsormais Dead Can Dance, comprend vite qu'il n'a aucune chance de percer en Australie et dÈcide donc de franchir les ocÈans pour tenter sa chance ‡ Londres. Les premiers temps sont trËs difficiles. ÂŽ Nous n'avions absolument aucun argent Nous vivions dans une tour sordide et n'avions qu'un vÈlo comme unique vÈhicule. La moindre livre Ètait rÈinvestie dans la musique. Heureusement, nous gardions espoir et nous consacrions corps et ‚me ‡ notre musique. Ivo, du label 4AD, avait apprÈciÈ l'un de nos concerts et faisait office de manager et de conseil pour Dead Can Dance. Il nous recommanda de donner d'autres concerts, de faire une tournÈe, mais personne ne voulait de nous! Finalement, nous nous sommes retrouvÈs ‡ Paris, avec deux musiciens franÁais, et nous avons jouÈ. Un bon souvenir; mÍme si, ‡ cette Èpoque, nous Ètions tellement frustrÈs et aigris par notre situation matÈrielle et artistique qu'une certaine rage devait se sentir dans notre musique.ÂȘ

DCD
DÈfinitivement convaincu par les pouvoirs surnaturels de ses protÈgÈs, Ivo dÈcide enfin, en 1984, de publier sur 4AD le premier album du groupe, DCD : ÂŽ Ce fut ‡ nouveau trËs frustrant Nous pouvions enfin enregistrer; mais le rÈsultat Ètait bien loin de combler nos espÈrances. Un producteur pourtant rÈputÈ (John Fryer) Ètait censÈ nous aider, mais il ne parvenait pas ‡ comprendre ce que nous voulions.ÂȘ Les choses se compliquent aprËs la sortie de l'album: ÂŽ Nous ne supportions Plus de nous voir traitÈs de groupe rock ou punk. Nous n'avions rien ‡ voir avec Áa. La scËne musicale pop est tellement rÈductrice! Nous ne voulions pas devenir un groupe ‡ mode de plus et terminer l'expÈrience deux ans aprËs. A ce moment-l‡,j'ai donnÈ ‡ Ivo deux morceaux de ma composition pour son projet This Mortail Coil : un bon moyen de m'affirmer un peu plus. ÂȘ Les deux albums suivants de Dead Can Dance sont des chefs-d'Ășuvre noirs o? le groupe trouve ses marques et ouvre de nouvelles voies: ÂŽ Pour Spleen & Ideal, Brendan avait une idÈe trËs prÈcise du son qu'il voulait pour le groupe. Nous voulions sortir dÈfinitivement de l'instrumentation guitare/basse/batterie. Dans Within the real of a dying sun, l'aboutissement de cette pÈriode, nous avons utilisÈ des musiciens classiques. ÂȘ

DualitÈ
ÂŽ j'Ètais stupÈfaite du rÈsultat et des recherches de Brendan. Je pense qu'il est vraiment un trËs grand compositeur; et qu'il est loin d'avoir dit tout ce qu'il a ‡ dire. Il reste aujourd'hui ma plus grande influence. Travailler avec lui dans Dead Can Dance est une expÈrience stimulante mais parfois difficile. A chaque album, nous pensions arrÍter; mais il n'en a rien ÈtÈ. Nous travaillons avec une intimitÈ que j'ai du mal expliquer; mais qui fait certainement la force de notre collaboration. j'ai parfois du mal ‡ imposer mes vues, mes idÈes, mes morceaux au sein de Dead Can Dance, Brendan souhaite toujours avoir le dernier mot... ÂȘ AprËs Within the real of a dying sun (1987), Dead Can Dance dÈbute une nouvelle Ëre avec l'album The Serpent's Egg. Lisa: ÂŽ Brendan a dÈmÈnagÈ en Irlande o? il a montÈ un studio dans une Èglise (Quivy Church); nous avons commencÈ ‡ enregistrer l‡-bas. Aion fut le premier album ‡ Ítre imprÈgnÈ de cette atmosphËre. ÂȘ Aion, trËs influencÈ par la musique mÈdiÈvale, ne parvient pas ‡ retrouver le gÈnie du groupe dans toute sa dimension; Lisa et Brendan sÈparÈs. quelque chose s'est perdu. Les albums suivants de Dead Can Dance, Into The Labyrinth (1993) et Toward the within (un live de 1995) le confirment: en voulant faire une synthËse de ses influences, le groupe perd son originalitÈ.

Retour en gr‚ce
Deux albums vont retrouver cette gr‚ce et ce mystËre qui enveloppent depuis le dÈbut la musique du duo: le premier disque solo de Lisa. The Mirror Pool, o? elle renoue avec les sonoritÈs Ètranges et envo?tantes des arrangements et o? sa voix semble enfin libÈrÈe de toute contrainte. Un disque riche, variÈ, qui rappelle aux vieux fans la magie glacÈes de Spleen & Ideal. Une nouvelle sÈrÈnitÈ caractÈrise aussi ce disque. sentiment que l'on retrouve dans Spirit Chaser, le dernier album en datÈ de Dead Can Dance. D'une grande unitÈ, celui-ci mÍle avec bonheur les orientations folk et tribales du duo. ÂŽ Je ne peux pas dire que nous sommes directement influencÈs par telle ou telle musique du monde, mais j'aime en Ècouter. Ce que j'aime dans la vie, c'est la capacitÈ que nous Ge parle de l'Ítre humain au sens large) avons ‡ crÈer et ‡ partager. MÍme si cela peut sembler banal, c'est un sentiment trËs fort, intense. L'annÈe que je viens de passer avec Pieter pour rÈaliser Duality en est un nouvel exemple.ÂȘ

Interview : Bertrand Dermoncourt et David Sanson

Magazine Start Up n?31 ñ Avril 98

Duality 4AD/Labels
Pour son second disque en solo, Lisa Gerrard s'est associÈe au percussionniste bidouilleur Pieter Bourke. Dans son trËs beau premier album, The Mirror Pool, la chanteuse redÈcouvrait les contrÈes orchestrales obscures de l'Èpoque de Within the real of a dying sun. Aujourd'hui, la page est tournÈe. Dead Can Dance est relancÈ sur de bons rails et Lisa redÈcouvre la simplicitÈ. On retrouve dans Duality les sons qui ont fait la marque de fabrique du groupe australien, et gr‚ce ‡ Pieter Bourke (membre par ailleurs de Soma et musicien ÂŽ live ÂȘ pour Dead Can Dance) la belle s'est ouverte ‡ son Èpoque et ‡ l'Èlectronique. Duality n'en reste pas moins, comme tous les bons disque de la dame, une Ășuvre hors du temps et des modes. MÍme si, cette fois, certaines mÈlodies paraissent particuliËrement accrocheuses, l'Ècoute rÈpÈtÈe est souhaitable pour en dÈcouvrir toutes les richesses. Un album de Dead Can Dance est par ailleurs prÈvu pour l'an prochain.